LES ROMS DE LOMME

Une terrain vague, à côté de la gare de Lomme. Derrière une barrière rouge et blanche, au loin, quelques caravanes. "Elles ont changé de place", me fait remarquer Séverine, qui est venue deux jours plus tôt, après que 120 Roms soient montés dans un bus direction Lesquin où un avion les attendait pour repartir en Roumanie.

Sur le sol, des morceaux de bois, de ferrailles, mélangés à des vêtements, des peluches éventrées... Les restes des caravanes détruites le jeudi précédent. Séverine me raconte : "Une grue soulevait la caravane, la laissait tomber dans une benne et la broyait." Les Roms qui ont "bénéficié" du retour volontaire auraient donné leur accord pour que leurs biens soient détruits. "C'est pas vrai", tonne Nicolae.

Nicolae. Le crâne un peu dégarni, quelques dents plaquées or, les mains burinées par des années passées à réparer des auto dans des garages d'Espagne, où il a vécu neuf ans. Il parle français, et ne mâche pas ses mots. "L'interprète n'a pas du tout traduit comme il fallait aux autres. On leur a pas dit qu'on allait tout cassé quand il seront partis." Le Rom pointe d'autres problèmes de traduction. Il sort des papiers, estampillés du sceau de la préfecture. "Regarde, ici, ils ont écrit que j'étais en France depuis le mois d'octobre, mais c'est pas vrai." Il plonge ses doigts blessés dans son portefeuille pour en tirer une carte d'identité. "Là, regarde, c'est marqué, je suis arrivé en mars. Je leur ait dit." Problème : les policiers lui ont intimé, ainsi qu'à sa femme, de quitter le territoire avant le 11 avril. Les Roms n'ont en effet le droit de séjourner que trois mois en France.

C'est le problème d'un autre couple, qui vit dans la caravane voisine. "La PAF (Police aux frontières) a gardé leurs papiers", vient traduire un jeune homme. "Ils doivent aller les voir. Après, ils les conduiront à la frontière belge." Puisque c'est leur dernière adresse connue avant la France. Le couple nous demande de leur faire faire un tour de l'autre côté de la frontière et de les ramener à Lomme. "Comme ça, ils pourront rester encore trois mois ici." Nous refusons poliment, expliquant des problèmes pour notre propre sécurité.


Tandis que nous traversons le camp pour repartir, un gamin nous alpague. "Photo ! Photo !" Il pose, fièrement, avec son cadet. Puis avec sa petite soeur. Le papa s'y met. "Photo ! Photo !" il veut qu'on tire le portrait de ses petites filles. Puis une photo de famille. S'en suit tout un tas de mise en scène.


Nous repartons le coeur lourd, sous de grosses gouttes de pluie, et promettons de revenir. Bientôt.

1 commentaire:

  1. Au sol, des morceaux de caravane, des détritus, mais bien moins que le jeudi précédent. Bizarrement, le ménage - pas juste vider les poubelles mais les retirer purement et simplement - n'a été fait qu'à l'entrée du camp, comme annoncé par la police sur place. Le fond du camp, qu'ils ont fermé par des plots en béton, reste une vaste décharge... mais il est hors de la vue des usagers du train.

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