MA RENCONTRE AVEC LES ROMS

Je me souviens de ma première rencontre avec les Roms. C'était en juillet 2007, dans un bled, près de Valenciennes. On m'avait demandé de faire un article sur eux. Ils étaient barlottés de ville en ville et avaient échoué là, sur un terrain vague, planqués derrière des bosquets.
Pour ramerner leurs caravanes, ils avaient réussi à déplacer des pierres de plusieurs centaines de kilos, par un moyen qu'ils ne me divulguèrent pas.
La première approche a été délicate. Les Roms nous assimilaient à des policiers. "Chaque fois que vous faites un article sur nous, on vient nous déloger." J'ai pris le parti de ranger bloc notes et appareil photo. L'ambiance s'est détendue et nous avons pu discuter.
Des gamins noirs de crasse couraient partout. Des femmes préparaient un "repas" dans une espèce de marmitte sur un feu de bois. Certaines accrochaient du linge lavé je ne sais où. Pas d'électricité, ni d'eau courante bien sûr.
Et puis le choc : dans une des tentes, rapiécée avec des morceaux de bâches en plastique, un bébé, à même le sol. Je demande son âge. 13 jours.

Après une heure à discuter, j'ai pu ressortir l'appareil photo. Les enfants voulaient tous poser. Pas les femmes. Les hommes étaient en ville pour mendier quelques pièces de monnaie. Je leur ai promis de ne pas les publier et de ne pas indiquer l'endroit où ils vivaient. J'ai respecté mon engagement. Mais en rentrant le soir, quand j'ai regardé les photos, j'ai eu l'impression qu'elles avaient été prise dans un bidonville, au milieu d'un pays du Sud.

PORTRAITS DE SLOVAQUES




















Ils ne sont pas Roms, et ne vous avisez pas de faire l'amalgame, ils le supportent mal. Ils viennent de Slovaquie. Un pays qu'ils ont quitté voilà deux ans pour venir vivre en France. Depuis, ils vivent au mieux dans un foyer, quand des places sont libres, au pire dans la rue, à la gare de Lille.









RENCONTRE

C'est décidé, je pars en Roumanie les deux dernières semaines de juin. Objectif : rencontrer les Roms et mieux comprendre leurs conditions de vie. Surtout, illustrer la réponse tant de fois entendue à la question "Vos conditions de vie ici ne vous donnent-elles pas envie de rentrer chez vous ?"... "Non. On vit mieux ici qu'en Roumanie."

VILLAGE DE L'INSERTION

Les Roms ont emménagé dans le calme à Lille-Fives

vendredi 13.03.2009, 04:49 - La Voix du Nord

 Les travailleurs sociaux ont aidé les familles à emménager dans les mobile homes, hier, à Fives.
Les travailleurs sociaux ont aidé les familles à emménager dans les mobile homes, hier, à Fives.


Les Roms ont emménagé, hier, dans les mobile homes du village de l'insertion de Fives. Tout s'est déroulé dans le calme. Les travailleurs sociaux ont aidé à l'implantation des familles et les riverains ont à peine pointé le bout de leur nez.

PAR HEDWIGE HORNOY

lille@lavoixdunord.fr

Pas un bruit, pas un mot, pas un rire d'enfant. À l'approche du village de l'insertion de Fives, si Stéphanie n'était pas sortie d'un des mobile homes pour venir à notre rencontre, on aurait pu croire que les Roms n'avaient pas encore emménagé. « La plupart des familles sont arrivées », annonce pourtant la travailleuse sociale.

Les membres de l'Association des Flandres pour l'éducation, la formation des jeunes et l'insertion sociale et professionnelle (AFEGI), leur ont donné rendez-vous quelques heures plus tôt et ont fait des convois pour les amener jusqu'à leur nouveau domicile.

Quelques questions, aucune hostilité

Sans regret sans doute, les cinq familles de Roms ont laissé leur caravane derrière eux, pour emménager dans des mobile homes de 84 m², avec accès à l'électricité et l'eau courante. « Dès qu'ils sont arrivés, ils nous ont demandés où étaient les poubelles pour le tri sélectif. » C'est qu'ils ont été briefés en amont et qu'hier, ils n'avaient à disposition qu'un seul type de container.

Quelques voisins sont venus voir et ont posé quelques questions : « Qu'est-ce qui se passe ? » « Qu'est-ce que c'est ? » Les travailleurs sociaux leur ont expliqué que leurs nouveaux voisins venaient d'arriver. Aucun signe d'hostilité. Les Roms, eux, s'informent déjà sur les possibilités de scolarisation des enfants et d'emploi. Patrick Morvan, directeur du pôle insertion de l'AFEGI, assure être en contact avec la mairie. « Des enfants sont déjà inscrits dans une école de Fives et pourront aller dès demain en cours », précise Stéphanie. Les travailleurs sociaux sont également en relation avec les associations du quartier pour permettre aux parents d'approfondir leur connaissance du français. « Il y a une réelle volonté de leur part de s'intégrer. » Hier, après avoir posé leurs maigres bagages, ils ont signé un contrat, détaillant leurs droits et devoirs, ainsi que ceux de l'AFEGI. Patrick Morvan résume : « Nous nous engageons à les héberger pour une durée de six mois renouvelable et à leur assurer un accompagnement social. Eux doivent prendre soin du mobile home et du terrain, et s'intégrer. »

Travailleurs sociaux expérimentés

Pour les y aider, deux travailleurs sociaux, « diplômés et expérimentés », tournent entre les villages de Lille, Halluin et Faches-Thumesnil. Une équipe de médiateurs est en cours de constitution. « Ils s'occuperont de tout ce qui est proximité, gestion des logements, cohabitation avec les riverains, insertion sociale et culturelle. » Timidement, un père de famille sort du premier mobile home. Avec des mots simples, il exprime sa joie d'être là. « C'est bien. Vraiment. » Il ne reste pas longtemps dehors. Il a à faire. Et préfère rester discret.

ASSOCIATION

L'AREAS devra bientôt décamper de son local de Moulins

mercredi 31.12.2008, 04:46 - La Voix du Nord

Depuis les prémices de leur arrivée dans la région, les Roms peuvent s'appuyer sur l'AREAS. Soutien pour les démarches administratives, domiciliation, distribution de vêtements... Mais à partir du 30 janvier, l'association ne disposera plus de son local du quartier de Moulins pour assurer les permanences.

C'est avéré, le 30 janvier, c'est au tour de l'Association régionale d'étude et d'action sociale auprès des gens du voyage (AREAS) d'être victime d'expulsion. Hébergée rue Herriot, près de la porte de Valenciennes, elle devra quitter les lieux où elle assurait jusqu'ici ses permanences pour les Roms. Son bailleur, l'association La Sassia, que nous ne sommes pas parvenus à contacter, a choisi de ne pas renouveler le bail.

Delphine Beauvais, membre d'AREAS, pense que le bailleur a fini par craquer « sous la pression et les coups de téléphone incessants des résidants de l'immeuble ». L'un d'eux, Mme Simoens, nous avait en effet contactés en juillet pour dénoncer « des problèmes d'hygiène ». S'appuyant, selon elle, sur le fait que les Roms « ne se lavent pas ». Du côté de la mairie de quartier de Moulins, on confirme avoir reçu des plaintes de la part de résidants de l'immeuble, mais « ne pas être favorable à ce qu'AREAS soit déménagée dans ces conditions ». Et de soutenir que « d'ordinaire, on s'occupe de reloger les associations ».

Marie-Christine Staniec, adjointe à la lutte contre les discriminations, soutient être en contact avec l'association et travailler conjointement « avec le conseil général pour trouver une solution ». Que le local soit déménagé dans un autre endroit de la ville n'a, pour l'élue, pas tellement d'importance. « Là ou ailleurs, ce n'est pas le problème. Il y a des Roms dans toute la ville. Et puis, l'AREAS a un autre local à Fives. » Un local, oui, mais pour gérer en cette période quelque « 200 familles », avance Delphine Beauvais. Si la structure est fermée entre les fêtes de Noël et nouvel an, elle continue d'assurer une permanence téléphonique et peut intervenir en cas d'urgence. Comme en 2007, où une jeune Rom avait perdu la vie dans l'incendie d'un entrepôt.

Une infirmière embauchée

Cette année, pas de situation aussi dramatique, mais d'importants problèmes de santé tout de même. « Pour se chauffer, les Roms mettent des poêles à charbon au milieu de la caravane. » Au-delà des émanations de gaz carbonique, « des enfants qui jouaient autour se sont brûlés au troisième degré ». L'infirmière recrutée à temps plein voilà deux mois n'est donc pas de trop. Elle ne fait pas de grands soins, « mais elle peut soigner les petits bobos. Surtout, elle fait de la prévention, du repérage et de la sensibilisation ». Un plus pour l'AREAS qui peine à gérer la population en cette période de grand froid. Les structures d'hébergement d'urgence étant complètes depuis des semaines. •

HEDWIGE HORNOY

L'ARÉAS vue de l'intérieur avec des gens de l'Est

mercredi 04.02.2009, 04:50 - La Voix du Nord

 Une quarantaine de Roms et autres migrants de l'Est se pressent à chaque permanence de l'ARÉAS.
Une quarantaine de Roms et autres migrants de l'Est se pressent à chaque permanence de l'ARÉAS.

Deux fois par semaine, Roms, Slovaques, Bosniaques et autres populations de l'Est, se pressent à l'ARÉAS pour débloquer quelques fonds pour vivre, faire émerger des demandes, survivre. Rencontre.

PAR HEDWIGE HORNOY

lille@lavoixdunord.fr
PHOTOS FRÉDÉRIC DOUCHET

Emmitouflé dans une doudoune, les oreilles couvertes d'un bonnet, les mains dans une paire de gants trop grande pour lui, Marek, petit slovaque de 13 ans, attend au pied d'un immeuble, rue Herriot avec son père, sa mère, ses trois petites soeurs et bien d'autres encore.

À quelques mètres, une quinzaine de personnes attendent eux aussi l'arrivée des salariés de l'Association régionale d'étude et d'action sociale auprès des gens du voyage (ARÉAS). Ceux-là sont Roms. Ils ont l'habitude de venir. Et bien que les Slovaques, qui font le pied de grue tout près, soient nouveaux, pas question d'aller les voir et d'engager la conversation. Dans un camp comme dans l'autre, on ne le cache pas, « on s'aime pas trop ».

Quand François Vlaminck, éducateur, ouvre enfin la porte du local avec une vingtaine de minutes de retard, les Roms s'engouffrent dans le hall, suivis de près par Marek et les siens.

Dans la salle louée par l'ARÉAS, commence sans tarder la distribution du courrier. Tout le monde attend avec impatience une lettre du conseil général, de l'assurance maladie ou de la préfecure. Alors à la porte, ça se bouscule. Mais François Vlaminck remet très vite tout le monde à sa place.

Depuis juin, la CAF exige un titre de séjour pour attribuer une quelconque allocation. « Or, qui dit titre de séjour, dit emploi. Et aucun n'en a. » Les Roms s'adressent donc au conseil général, qui peut leur accorder une aide sociale à l'enfance « d'environ 180 E par mois et par enfants, pendant une durée donnée, par lettre chèque à échanger au Trésor public ». D'autres reçoivent une réponse à des demandes de couverture sociale. « Les factures des urgences du CHRU et amendes de Transpole arrivent ici aussi », chuchote l'éducateur. « Le courrier, c'est très important pour eux. » À l'idée de ne plus avoir de local, c'est donc l'angoisse pour tous.

Pour les Slovaques, il n'est pas encore question de lettres et de factures. Ils vont d'abord faire connaissance avec l'équipe. Entamer les premières démarches. François Vlaminck explique : « On va appeler le 115 pour prévenir qu'ils ont besoin d'un toit. » Ils seront bien sûr ajoutés au bas de la longue liste d'attente. « Mais ça remontera à la DDASS. » La petite, qui souffre d'une otite, sera dirigée vers Médecins solidaires de Lille. « Ils prennent en charge le public sans papiers. » L'équipe ira ensuite sur place pour juger de la situation. « Mais pour l'instant, on est dans la survie. » François Vlaminck, pessimiste, réaliste peut-être, estime qu'« on ne verra vraiment une stabilisation que dans quatre ou cinq ans ».

SEDENTARISATION

APour les Roms de l'Épi de Soil, un début de sédentarisation qui vole en éclats

vendredi 06.02.2009, 04:50 - La Voix du Nord

 Dilbert Selimovic entouré de ses enfants, dans sa pièce à vivre, faite main. PHOTO FRÉDÉRIC DOUCHET
Dilbert Selimovic entouré de ses enfants, dans sa pièce à vivre, faite main.

À la lisière de Lille-Sud et de Loos, un bidonville s'est formé sur un terrain de l'Épi de Soil. Depuis quelques mois, les Roms qui y vivent ont construit des baraquements avec des matériaux de récupération pour mieux supporter le froid hivernal. Mais un vent d'expulsion menace.

Épi de Soil. D'un côté de la route, un champ fraîchement labouré. De l'autre, un terrain vague où s'amoncellent des ordures. Entre les terrils de détritus, des caravanes dans un état douteux. Et depuis quelques mois, des baraques de fortune construites en matériaux de récupération.

La famille Selimovic - Dilbert, 53 ans, son épouse et ses six enfants - vit dans l'une d'elles. Avec beaucoup d'huile de coude, d'imagination et de patience, ils se sont bâtis une pièce à vivre en annexe de leur caravane. Revêtement de sol bleu pâle, meubles de cuisine, canapé, table de jardin et quelques chaises. Des planches de bois assemblées à la main et quelques fenêtres forment leur habitat. Le tout glané ça et là, la veille du passage des encombrants. Dans un français approximatif mais compréhensible, Dilbert explique : « J'ai acheté 5 kg de clous et un marteau et j'ai tout construit. » Attablé au milieu de sa pièce à vivre, le patriarche est fier d'avoir pu donner un toit un peu plus spacieux aux siens.

Près du canapé, un poêle à bois. Fait maison lui aussi. « J'ai pris un baril, j'ai coupé et j'ai soudé des plaques de fer. J'ai juste acheté le tuyau pour l'évacuation. » Un peu dangereux, surtout pour les enfants, « mais y'a jamais eu de blessés ». Tatiana alimente régulièrement le foyer et rempli la gamelle d'eau qui chauffe dessus en permanence.

Ce matin, ou peut-être demain, tout ça va voler en éclats. « La police est passée y'a une semaine. Ils ont dit qu'on allait devoir partir. Sûrement le 6 février. » Les Selimovic n'auront que le temps de prendre le minimum et regarder les bulldozers détruire tout en quelques minutes. « On a demandé un délai jusqu'à mars. Jusqu'au retour des beaux jours. » En vain.

La société Soreli a racheté le terrain voici deux mois et a fait tout de suite la demande d'expulsion. La directrice, Fabienne Duwez, explique : « Avant, le terrain était occupé par une casse automobile sauvage. Je ne peux pas prendre la responsabilité de laisser des gens vivre sur un terrain pollué. » Elle assure travailler en coordination avec les services de la communauté urbaine pour qu'ils leur trouvent un terrain d'accueil. Mais mercredi, Dilbert ne savait toujours pas où il allait bien pouvoir aller.

Vers 15 h, ce jour-là, deux voitures de police banalisées déboulent dans le camp. Les visages blêmissent. Les enfants se précipitent à la fenêtre. Le patriarche sort. Fausse alerte. « Ils cherchent quelqu'un. » Mais tout le monde confesse : « On a peur que la police débarque pour nous dire de partir. » Dilbert rêve de sédentarisation. « Si on me dit aujourd'hui que je peux m'installer sur un terrain et y rester, je pars tout de suite. » Depuis six ans qu'il est en France, il fait les démarches auprès de la préfecture pour obtenir un titre de séjour avec autorisation de travail. « Pour pouvoir chercher un emploi, avoir un logement et mettre les enfants à l'école. » Toujours pas de réponse positive.

HEDWIGE HORNOY

PHOTO FRÉDÉRIC DOUCHET