SEDENTARISATION

APour les Roms de l'Épi de Soil, un début de sédentarisation qui vole en éclats

vendredi 06.02.2009, 04:50 - La Voix du Nord

 Dilbert Selimovic entouré de ses enfants, dans sa pièce à vivre, faite main. PHOTO FRÉDÉRIC DOUCHET
Dilbert Selimovic entouré de ses enfants, dans sa pièce à vivre, faite main.

À la lisière de Lille-Sud et de Loos, un bidonville s'est formé sur un terrain de l'Épi de Soil. Depuis quelques mois, les Roms qui y vivent ont construit des baraquements avec des matériaux de récupération pour mieux supporter le froid hivernal. Mais un vent d'expulsion menace.

Épi de Soil. D'un côté de la route, un champ fraîchement labouré. De l'autre, un terrain vague où s'amoncellent des ordures. Entre les terrils de détritus, des caravanes dans un état douteux. Et depuis quelques mois, des baraques de fortune construites en matériaux de récupération.

La famille Selimovic - Dilbert, 53 ans, son épouse et ses six enfants - vit dans l'une d'elles. Avec beaucoup d'huile de coude, d'imagination et de patience, ils se sont bâtis une pièce à vivre en annexe de leur caravane. Revêtement de sol bleu pâle, meubles de cuisine, canapé, table de jardin et quelques chaises. Des planches de bois assemblées à la main et quelques fenêtres forment leur habitat. Le tout glané ça et là, la veille du passage des encombrants. Dans un français approximatif mais compréhensible, Dilbert explique : « J'ai acheté 5 kg de clous et un marteau et j'ai tout construit. » Attablé au milieu de sa pièce à vivre, le patriarche est fier d'avoir pu donner un toit un peu plus spacieux aux siens.

Près du canapé, un poêle à bois. Fait maison lui aussi. « J'ai pris un baril, j'ai coupé et j'ai soudé des plaques de fer. J'ai juste acheté le tuyau pour l'évacuation. » Un peu dangereux, surtout pour les enfants, « mais y'a jamais eu de blessés ». Tatiana alimente régulièrement le foyer et rempli la gamelle d'eau qui chauffe dessus en permanence.

Ce matin, ou peut-être demain, tout ça va voler en éclats. « La police est passée y'a une semaine. Ils ont dit qu'on allait devoir partir. Sûrement le 6 février. » Les Selimovic n'auront que le temps de prendre le minimum et regarder les bulldozers détruire tout en quelques minutes. « On a demandé un délai jusqu'à mars. Jusqu'au retour des beaux jours. » En vain.

La société Soreli a racheté le terrain voici deux mois et a fait tout de suite la demande d'expulsion. La directrice, Fabienne Duwez, explique : « Avant, le terrain était occupé par une casse automobile sauvage. Je ne peux pas prendre la responsabilité de laisser des gens vivre sur un terrain pollué. » Elle assure travailler en coordination avec les services de la communauté urbaine pour qu'ils leur trouvent un terrain d'accueil. Mais mercredi, Dilbert ne savait toujours pas où il allait bien pouvoir aller.

Vers 15 h, ce jour-là, deux voitures de police banalisées déboulent dans le camp. Les visages blêmissent. Les enfants se précipitent à la fenêtre. Le patriarche sort. Fausse alerte. « Ils cherchent quelqu'un. » Mais tout le monde confesse : « On a peur que la police débarque pour nous dire de partir. » Dilbert rêve de sédentarisation. « Si on me dit aujourd'hui que je peux m'installer sur un terrain et y rester, je pars tout de suite. » Depuis six ans qu'il est en France, il fait les démarches auprès de la préfecture pour obtenir un titre de séjour avec autorisation de travail. « Pour pouvoir chercher un emploi, avoir un logement et mettre les enfants à l'école. » Toujours pas de réponse positive.

HEDWIGE HORNOY

PHOTO FRÉDÉRIC DOUCHET

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