vendredi 07.08.2009, 12:00 - La Voix du Nord

Voyage en terre gitane au pied des montagnes roumaines

Des Roms, dans la métropole, on ne connaît que les bidonvilles de caravanes, les mobile homes que la communauté urbaine a fait installer pour eux, la mendicité... Mi-juin, nous sommes allés à leur rencontre, en Roumanie. Surprise : nous y avons retrouvé une famille qui était à Lille jusqu'en février.
PAR HEDWIGE HORNOY
Aéroport de Paris-Beauvais, 15 juin, embarquement pour Bucarest, Roumanie. Dans la poche, un carnet annoté : Radija Cantaragiu, Valea Seaca, Bacau.
Radija, c'est l'une des Roms qui vit à Lille, dans le village d'insertion de Fives, avec sa famille. Quelques mots échangés avec elle peu de temps après son installation, en février, suffisaient à comprendre qu'elle ne voulait pas rentrer au pays. Pour mieux saisir la situation, nous sommes partis à la rencontre de sa famille.
Arrivée à Bacau, à près de cinq heures de train au nord-est de Bucarest, la température avoisine les 35 ° C. Depuis la gare, on aperçoit des bâtiments désaffectés, des tours bétonnées, grises, mornes. Contraste saisissant avec les montagnes couvertes de pins, traversées en train depuis Buzau. Dans le centre, seules les églises orthodoxes, qui s'élèvent par dizaines, offrent une certaine qualité architecturale.
Nous logeons à une dizaine de kilomètres, à Lucani. Le maître des lieux travaille dans l'industrie céréalière. Son fils propose de faire le chauffeur jusqu'à la Valea Seaca, et le traducteur sur place. Nous acceptons non sans étonnement. Tous les Roumains rencontrés jusque-là cultivent une haine tenace envers les Roms, venus d'Inde, longtemps nomades, qui se sont installés en Roumanie, en Bulgarie et ailleurs voilà plusieurs siècles. Une population réduite à l'esclavage dans les pays de l'Est jusqu'au milieu du XIXe siècle, persécutée par les nazis dans la première moitié du siècle suivant.
La plupart des Roumains ne leur adressent pas la parole. « Ce n'est pas la meilleure chose qu'on ait chez nous », souffle Octavian, 22 ans. « Ils ne travaillent pas. » « Ils sont violents. » « Ils volent. » Ou encore : « Ils refusent d'aller à l'école. » Notre chauffeur, lui, n'a pas de préjugés à leur égard. « Je ne les connais pas. Je ne leur parle jamais. Je n'ai donc pas d'avis sur eux », avoue-t-il en chemin.
À droite, à gauche de la route, des plaines, à perte de vue, et la montagne au loin. Des charrettes tractées par des chevaux partagent l'asphalte avec les automobilistes. Celle-ci transporte du bois, celle-là du foin, une vache meugle dans une autre. Dans les parcelles disséminées çà et là, les paysans travaillent à la main, à la faux.
Valea Seaca. Notre chauffeur gare son break cabossé sur le bord de la route et va se renseigner auprès d'un petit vieux, assis sur un banc devant sa maison.
« Il ne connaît pas cette famille, mais il dit que les Gitans vivent par-là, dans cette rue. » Les Gitans, c'est ainsi que les Roumains appellent les Roms. Alina Costin, jeune prof de français dans un lycée de Bacau, avoue avoir « découvert le terme rom avec l'entrée du pays dans l'Europe ». Dans l'Hexagone, on nomme ainsi ceux qui viennent d'Europe de l'Est, pour les différencier des Gitans français.

Baraques défraîchies et Dacia rouillées
Derrière un grand portail, une cour en terre battue. Des hommes, quelques femmes et une flopée de gamins se précipitent vers nous. Un môme haut comme trois pommes dévore un saucisson à pleines dents. Devant notre regard incrédule, le père se contente de sourire.
Le nom de Radija ne leur dit rien. « Rada ? » Peut-être son surnom. « Son fils porte un corset pour maintenir son dos ? » C'est ça, c'est bien elle. Notre guide échange quelques mots en roumain avec un jeune homme d'une vingtaine d'années. Il va nous emmener dans une maison un peu plus loin. Le village est constitué d'une seule rue, bordée de baraques défraîchies et de Dacia rouillées.
Une jeune femme et son mari viennent à notre rencontre. Rada, bien sûr qu'ils la connaissent. La dame qui arrive, justement, est sa belle-mère. Eux aussi ont vécu à Lille, de septembre 2008 à février 2009. Depuis leur retour au pays, ils n'aspirent qu'à une chose : revenir dans la métropole. •

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